
Nous
Deux: Comment on devient chauffeuse de salle ?
Lydie: Quand j'étais petite, nous n'avions
pas la télévision couleur, et mon grand jeu était de me mettre derrière un
cadre en plastique pour amuser mes frères et soeurs. A défaut de public,
je me mettais devant un miroir. Cette passion n'a fait que grandir avec le
temps mais, après le lycée, je me suis retrouvée devant un ordinateur à
taper des lettres. Je voulais savoir vraiment ce que je valais et j'ai
repris des études. Après une audition réussie, j'ai fait quatre ans au
conservatoire national d'art dramatique, où j'ai obtenu les premiers prix.
Mais cela ne suffisait pas. J'ai passé une nouvelle audition pour faire
une école de cinéma. J'ai alors compris pourquoi, petite, j'avais toujours
besoin de spectateurs dans mes jeux. C'est pourquoi pendant six ans j'ai
fait des animations en tout genre!
Qu'est-ce qui vous plait dans ce métier ?
C'est un mélange de plaisir, de motivation et de passion. J'ai trouvé ce
dont je rêvais:
les plateaux, les caméras et surtout le public. Ca me révolte (M6), C'est
tout simple (France2) ou Abracadabrantesque (Philippe Bouvard, TF1) me
demandent une approche du public à chaque fois différente. C'est aussi le
cas pour Le Vrai Journal (Karl Zéro, Canal+), où j'exalte l'enthousiasme
du public. Dans On ne peut pas plaire à tout le monde (Marc Olivier
Fogiel, France3), les interventions des spectateurs sont spontanées,
contrairement à Un an de plus (Marc Olivier Fogiel), qui demande plus de
préparation: je provoque les applaudissements et veille au bon déroulement
de l'émission. Pour tout le monde en
parle (Thierry Ardisson, France2), mon intervention doit être subtile,
je dois inciter le public à se décontracter, se lâcher. Être responsable
du public, c'est avant tout aimer les gens. Leur plaisir est ma
récompense. Mais, attention, je ne suis pas mégalo, je ne me prends pas
pour le présentateur. L'émission existe grâce à lui et repose sur lui. Ma
relation avec le public est simple, sincère, c'est lui qui me nourrit et
me motive.
Vous
ne vous arrêtez jamais ?
Jamais ! Ce travail ne dure pas que le temps de l'émission. d'abord, il
faut recruter le public, c'est-à-dire 100 ou 200 personnes, à chaque
enregistrement. Et il ne faut surtout pas croire que le public est
uniquement là pour remplir la salle !Ce sont de vrais invités, et une
émission n'aurait pas lieu d'être sans eux. Après avoir passé de multiples
coups de téléphone,il faut leur donner envie de vivre l'émission. C'est
sur les plateaux d'enregistrement que mon vrai boulot d'animatrice
commence. Je les mets en confiance pour qu'ils passent un moment agréable.
J'adore lorsqu'ils se mettent à délirer avec moi.La contrepartie: ce
métier est, en effet, très prenant. Le compte à rebours est omniprésent et
tout doit être toujours parfait.Mais je m'amuse vraiment. J'y ajoute même
ma petite touche personnelle en changeant de look le plus souvent
possible, histoire de rire !
N'est
ce pas plutôt un métier d'homme ?
En effet, il y a très peu de femmes dans les équipes de technicien.
Pourtant, je me suis fait une place naturellement et je suis la
seule animatrice de plateau reconnue dans ce milieu. Probablement parce
que c'est un métier très physique, mais on trouve toujours la force quand
on aime ce que l'on fait. Gérer un plateau avec autant de personnes, c'est
énorme ! Un homme est peut être plus respecté qu'une femme, il a plus
d'autorité et de répondant. Il fallait juste qu'une fille soit aussi
"grande gueule " qu"eux. Et puis, il ne faut pas oublier que derrière les
cameras, une équipe de 10 personnes au moins court dans tous les sens. Le
travail des uns dépend de celui des autres et il faut savoir le respecter
et se faire respecter.Mais, homme ou femme, on ne fait pas ce métier toute
sa vie. Il faut le prendre comme un passage instructif pour atteindre ses
objectifs. D'anciens chauffeurs de salle sont devenus comédiens ou
animateurs, comme, par exemple, José Garcia, Jean Luc Reichmann ou Charly
Nestor.
Quels sont vos projets ?
Pour l'instant, je continue ma formation puisque j'ai découvert que le
métier d'animateur me fascine et me plait.
En plus, j'ai d'excellents professeurs qui me donnent des cours chaque
semaine ! Cet objectif me motive à travailler et à m'améliorer. Devenir
animatrice serait une sorte d'aboutissement à mon parcours. J'aime
tellement cet échange complice avec le public. Il m'est impossible de m'en
lasser, ce lien grandit de jour en jour...Qui sait ce que je deviendrai
avec un an de plus. Je sais bien qu'on ne peut pas plaire à tout
le monde.Mais, aussi abracadabrantesque que cela puisse
paraître, tout cela, c'est le vrai journal de ma vie.
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